Depuis le terrible incendie qui a ravagé une partie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, les dons n’ont cessé d’affluer, les polémiques aussi. 1 milliard d’euros ont déjà été levés grâce à la contribution de grandes fortunes françaises. “Course à l’échalote” pour certains, générosité applaudie par d’autres. La défiscalisation des dons est au coeur du débat. Le Premier ministre a d’ailleurs annoncé ce mercredi matin un avantage fiscal majoré pour les particuliers qui feront un don pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris.
Notre-Dame: mobilisation ou “patrimoine washing”
Tous ont répondu à l’appel. L’aristocratie du luxe et des grandes fortunes françaises a eu la main leste en signant les promesses de dons. 200 millions d’euros pour le groupe LVMH et la famille Arnault, 100 millions d’euros pour la famille Pinault et Total, 200 millions pour les Bettencourt et l’Oréal, 20 millions pour les Decaux, 10 millions pour les Bouygues. Des chiffres à donner le tournis. Depuis lundi 15 janvier, c’est environ un milliard d’euros qui ont été récoltés en promesse de dons pour aider à la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Autant dire qu’une telle démonstration de générosité n’a pas plu à tout le monde. Manon Aubry par exemple a même parlé sur LCI de “grande opération de communication”, dénonçant « une espèce de course à l’échalote de l’entreprise qui donnerait le plus, tout en revendiquant l’exonération d’impôt ». Une position que beaucoup partagent et qui soulève néanmoins une question légitime: avec la défiscalisation n’est-ce pas l’état qui finira par sortir le portefeuille ?
En 2018, la niche « mécénat » a coûté aux finances publiques près d’un milliard d’euros. La vague de dons entraînée par l’incendie de Notre-Dame pourrait bien augmenter cette somme de 50%.
D’autres s’émeuvent de ne pas voir l’état français se réapproprier son patrimoine. C’est notamment le cas de Didier Rykner, patron de La Tribune de l’art, qui sur Franceinfo a déclaré : « Emmanuel Macron n’a pas eu la bonne réaction en lançant une collecte nationale. La bonne réaction aurait été de dire que l’Etat reconstruira… Il faut que l’Etat prenne enfin en charge le patrimoine de ce pays ». Ou encore l’architecte François Fromonot qui s’insurgeait : “Il n’y a pas que la cathédrale à faire partie de nos biens communs. J’ai peur qu’à l’occasion de l’incendie de Notre-Dame, on fasse une sorte de « patrimoine washing ». Paris a beaucoup démoli, beaucoup donné à des acteurs privés sous le couvert de la folle promotion du tourisme, par exemple. Et notamment à messieurs Pinault et Arnault…”.
La défiscalisation des dons au coeur du débat
1 milliard d’euros de don en deux jours! La famille Pinault est même allée plus loin en renonçant à la défiscalisation à laquelle elle pouvait prétendre. Il n’est «pas question d’en faire porter la charge aux contribuables français» a confirmé dans un communiqué François-Henri Pinault, le président de la holding familiale. Le lendemain, Bernard Arnault a annoncé que la société LVMH ferait de même, pas de défiscalisation. Reste à savoir si les autres grandes entreprises feront de même.
Qu’est-ce que la loi prévoit lorsqu’on fait des dons? En temps normal, la loi française permet aux individus faisant un don de « bénéficier d’une réduction d’impôt égale à 66% du total des versements » réalisés. Au vu des récents événements, Edouard Philippe a lancé un projet de loi qui augmentera à 75% le montant des déductions fiscales, sous certaines conditions. Les dons doivent être faits par des particuliers pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris et ne pas dépasser les 1000 euros. Si le don est supérieur à cette somme la défiscalisation retombera à 66%.
Pour les entreprises, le dispositif classique sera utilisé. Elles « bénéficieront des réductions d’impôts, dite de mécénat, dans les conditions actuelles », a précisé le chef du gouvernement. Pour les entreprises, cette réduction d’impôt se maintiendra à 60 % , avec un plafond de 0,5 % du chiffre d’affaires. En cas de dépassement de ce seuil, elles peuvent échelonner cet avantage fiscal sur cinq ans.
Enfin, une déduction de 90% du montant est accordée pour les cas particuliers. Cela concernera l’achat de biens culturels définis comme des trésors nationaux ou présentant un «intérêt majeur pour le patrimoine national».
“Chaque euro versé pour la reconstruction de Notre-Dame”
Le projet de loi annoncé par Matignon sera présenté la semaine prochaine au Conseil des ministres. Il donnera un cadre légal à la souscription nationale et précisera les garanties de transparence et de bon encadrement de la gestion des dons.
Quant aux dons ils seront recueillis par quatre organismes: la Fondation Notre Dame, la Fondation du Patrimoine, la Fondation de France et le Centre des musées nationaux. Gare aux fausses cagnottes en ligne qui commencent déjà à apparaître en masse sur internet!
Sur Twitter, Edouard Philippe a même lancé mercredi matin le site internet www.gouvernement.fr/rebatirnotredame en appelant « à la générosité de tous« , il a d’ailleurs tenu à remercier les chefs d’état du monde entier et les millions de personnes qui ont adressé des messages de soutien et d’amitié à la France. Le chef du gouvernement a d’ailleurs précisé dans sur les réseaux sociaux que “chaque euro versé pour la reconstruction de Notre-Dame servira à cela et pas à autre chose”.

Un « concours international d’architecture »
“Faut-il reconstruire la flèche de Notre-Dame à l’identique ?” c’est la question qui se pose aujourd’hui. A cette question, le premier ministre répond en proposant un concours international d’architectes. Il devra trancher entre deux solution « s’il faut la reconstruire dans les mêmes conditions, à l’identique » de celle imaginée par Eugène Viollet-le-Duc au XIXe siècle, “ou s’il faut se doter d’une nouvelle flèche adaptée aux techniques et enjeux de notre époque”. Ce chantier historique, le chef du gouvernement et le président de la république l’ont voulu ambitieux “Le président de la République a exprimé une ambition. Celle de reconstruire Notre-Dame de Paris en 5 ans. C’est évidemment un défi immense. Une responsabilité historique. Le chantier de notre génération pour les générations qui nous succèderont”.
Pour organiser et accompagner cette reconstruction, le gouvernement a nommé un “Monsieur reconstruction”: le général Jean-Louis Georgelin, ancien chef d’état-major des Armées. Et si nécessaire, le gouvernement créera un établissement public pour porter cette reconstruction.